Le départ!

J'ai passé la première matinée à imprimer sur ma rétine la campagne que je vais quitter aujourd'hui. Les couleurs, les vues, la multitude d'arbres et d'arbustes, le tournoiement de milliers d'étourneaux, le bleu du ciel et même la brume du brouillard.
J'ai tout embrassé du regard, sachant que la séparation, après une semaine ensemble, serait douloureuse. La déchirure d'un pansement sur la peau.

On ne s'habitue jamais vraiment à la beauté, on ne se sent jamais prêt à la quitter des yeux.
Et j'en ai profité pleinement cette semaine, dans tous les coins et recoins, dans tous les espaces, dans tous les endroits où je suis allé. Je n'étais même pas rassasié de la vue que je courais admirer chaque fois que je me réveillais, simplement en ouvrant la fenêtre, car on peut difficilement se passer d'un tel émerveillement.

Je connais cette partie du monde comme ma poche et pourtant je crois que je l'ai aimée encore plus ces jours-ci, comme si les sensations étaient amplifiées, comme si ce climat généreusement automnal était une incitation à la vivre profondément, avec toute l'intensité dont je suis capable.

Alors j'ai écouté mes parents, je les ai soutenus, j'ai mangé et regardé la télé avec eux. Et puis j'ai fait de longues promenades avec eux, j'ai pris des photos des chemins dans le vert, le rouge et l'orange. J'ai marché sous la pluie, puis sous un soleil radieux. Je suis allé dire bonjour à de vieux amis, j'ai observé des fermes en pierre croulantes avec l'œil de quelqu'un qui aimerait les posséder et les restaurer. Je les imaginais vivants, avec des jardins luxuriants et de hautes haies, des cheminées allumées, des canapés confortables, des gens joyeux et souriants en arrière-plan.

J'ai pensé à des fils sans fin plantés dans l'herbe, à des draps blancs étendus pour sécher, à des marguerites sur les pelouses et à des poussins jaunes gambadant à côté de chats rouges et ennuyés sur le pas de la porte.

Et lorsque je suis rentré chez moi, alors que le temps changeait et devenait de plus en plus gris, ce que j'avais imprimé sur mes rétines m'a été utile.
J'ai fermé les yeux, scellant chaque vision pour qu'elle ne me quitte jamais.