Les fissures dans le masque

Dans la continuité de l'article de samedi, je voudrais aujourd'hui m'intéresser à ces personnes qui semblent dotées d'une grande estime d'elles-mêmes et qui l'affichent, dès qu'elles en ont l'occasion, aux yeux de tous. Ces personnes présentent les mêmes fragilités que les individus décrits dans le post précédent, si ce n'est plus. Cependant, leur façon de lutter contre leurs doutes est différente.

D'où l'ajout d'autres caractéristiques plus brillantes : des tentatives pour briller, pour dominer, pour être aimé et admiré, des caractéristiques qui s'ajoutent aux angoisses de l'estime de soi. Mais, malheureusement, tout cela aboutit à une construction déséquilibrée, qui s'effondre souvent lamentablement.

Pour ces personnes, les efforts visant à maintenir l'estime de soi à un niveau élevé agissent comme un mécanisme de défense afin qu'elles ne prennent pas trop conscience de leurs limites ou ne soient pas obligées de les accepter. Les comparaisons sociales sont, encore une fois, constantes : envers l'autre, on devient jaloux ; parfois, pour réduire l'écart, on se rabaisse, non pas en s'élevant soi-même, mais en abaissant l'autre.

Comment comprendre et définir ces formes de haute estime de soi fragile ? Instable, peu sûr de soi, sur la défensive, faux ? Ces personnes évitent soigneusement tout type de chemin de croissance personnelle.

Convaincus qu'en matière de jugement social, la meilleure défense est l'attaque, ces individus consacrent plus d'efforts à promouvoir leur estime de soi qu'à la construire solidement. Ils se lancent volontiers dans l'action, en raison de leur besoin considérable de gratification, mais souffrent d'une forte intolérance à l'échec, d'une difficulté globale à se remettre en question : trop coûteux, trop risqué.

Face au doute, ils cherchent à préserver leur rang à tout prix, à assumer la pose, à adopter la posture de domination.

Cette surestimation de soi exprime la tentative de construire un "moi exceptionnel", un personnage social qui protège la personne beaucoup plus fragile qui se cache derrière.

S'imposer pour se protéger ..... Il y a donc assez souvent dans les formes de haute estime de soi fragile, un malaise face à toute forme d'approche : comme on cherche à construire une image forte et dominante, la proximité et l'intimité représentent des dangers.

De toute évidence, ces stratégies génèrent du stress et ont un coût émotionnel très élevé. L'obsession de la reconnaissance et des performances représente un surinvestissement de l'énergie intérieure. D'où une usure et une fragilisation, ainsi que des manifestations anxieuses fréquentes, en liaison avec des aspirations d'estime de soi vers le haut : par peur de ne pas y arriver ou d'être démasqué.

Mais il existe aussi un risque dépressif, en lien avec les prises de conscience brutales de la fragilité de l'estime de soi ou à l'occasion d'une fatigue importante liée à la défense permanente de son caractère.

Ces formes de haute estime de soi fragile et leur sur-positionnement usant représentent pour le sujet une situation sans issue, encore pire que celle provoquée par les formes de basse estime de soi. Une fois que l'on est protégé par un tel jeu de rôle, comment sortir de son personnage ? Comment devenir honnête et se dévoiler au grand jour ? Après s'être caché pendant tant d'années et que ça a marché. D'un autre côté, pourquoi prendre un tel risque ? Qu'est-ce que l'on y gagnerait ?

La figure extrême de cette catégorie est le narcissique que les psychiatres appellent une forme d'hypertrophie de l'estime de soi.

Ces personnes sont convaincues qu'elles sont supérieures aux autres, et qu'elles méritent le meilleur : un meilleur traitement, de meilleures places. Ils sont également convaincus qu'ils doivent bénéficier de droits supérieurs, puisqu'ils sont supérieurs.

Ils ne tirent aucune fierté de leur réussite, mais celle-ci ne sert qu'à gonfler leur ego au-delà de toute mesure.

Ils font beaucoup d'efforts pour prouver qu'ils ne sont pas n'importe qui, et essaient d'attirer systématiquement l'attention, ce qu'ils réussissent souvent à faire, avec un certain talent.

Soucieuses de gagner beaucoup en termes de respect et d'attention, les personnalités narcissiques ne se soucient en revanche pas trop des notions de réciprocité, d'écoute et d'empathie. L'autre n'existe que comme acolyte, comme adversaire, comme obstacle.

Le summum de l'aveuglement de l'autonomie. Aucune issue, ni pour résister, ni pour progresser.

Il n'est pas rare que ces personnes sur les réseaux sociaux, afin d'étendre leur contrôle, visant avant tout à protéger leur propre ego, créent de faux profils qu'elles utilisent pour offenser leurs victimes. Ils ne sont pas capables d'entretenir une relation sincère et mature, se perdant dans la fange de la lâcheté et du prétendu anonymat du net (tôt ou tard, je ferai aussi un billet sur la façon dont j'ai identifié et dénoncé mes haters).

Malheureusement, avec ces personnes, si vous n'êtes pas préparé psychologiquement, vous finissez par gaspiller beaucoup d'énergie à chercher inutilement une solution, mais la seule solution est de mettre un mur entre eux et nous !

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Photo source: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/personne-portrait-costume-anonyme-6691392/