Un jour, il y a cinq ans | One day five years ago

Je suis remonté dans le train, notre temps ensemble ce jour-là était terminé.
Elle me regardait depuis la plate-forme. En vedette.
Elle n'a pas remarqué qui passait, les messages des haut-parleurs, les autres trains qui arrivaient ou partaient.
Il n'y avait que moi assis là. Et elle, dehors.
Elle m'a regardé comme si j'étais une petite merveille avec des boucles, et à ce moment-là, j'ai eu l'impression d'en être vraiment une.
Peut-être pas dans un sens absolu, mais je l'étais pour ces deux jeunes yeux verts là-bas.
Le détachement était comme une déchirure, je pouvais sentir des parties de moi se déchirer. Des zones que je ne savais même pas que j'avais, des zones de mon corps que je n'avais jamais utilisées.
Le train est parti, j'ai appuyé ma main contre la vitre comme si je pouvais la toucher un instant de plus, la retenir.
Il est rapidement devenu un point, un point qui continuait à me regarder même s'il ne pouvait plus me voir.
J'ai poussé un gros soupir. J'ai posé ma tête sur le siège. J'ai fermé les yeux.
Je suis tombé amoureux pour la première fois.

Parfois, en regardant dans ses yeux verts, je vois encore cette fille sur le quai.
J'ai lu quelque part que lorsque nous rencontrons quelqu'un qui va changer notre vie, nous le réalisons immédiatement. Nous avons une sorte d'épiphanie, comme un coup de feu dans la nuit dont le bruit se propage rapidement au milieu du silence.
Je ne sais pas si c'est toujours la règle, mais ça l'était en tout cas pour moi.
Je l'ai entendu. J'ai compris à cet instant, assise sur le siège bleu d'un train de banlieue, qu'il n'était pas n'importe quelle fille parmi des milliers d'autres ! Elle était à moi!

Je n'étais pas certain que nous aurions un avenir ensemble, que nous nous reverrions, que jour après jour nous nous construirions mutuellement. Je ne savais rien, j'avais le vide devant les yeux.
Mais la flamme de cette connaissance existait déjà en moi et c'est peut-être la seule certitude qui ne m'a jamais quitté.

ENGLISH VERSION

I got back on the train, our time together that day was up.
She was looking at me from the platform. Staring.
She didn't notice who was passing by, the messages from the loudspeakers, other trains arriving or leaving.
There was only me sitting there. And her out there.
She looked at me as if I were a little wonder with curls, and in that moment I felt as if I really was.
Maybe not in an absolute sense, but I was for those two young green eyes out there.
The detachment felt like a tear, I could feel areas of me being torn apart. Areas I didn't even know I had, areas of my body I had never used.
The train left, I leaned my hand against the glass as if I could touch it for a moment longer, hold it.
It soon became a dot, a dot that kept looking at me even though it could no longer see me.
I sighed heavily. I leaned my head back on the seat. I closed my eyes.
I had fallen in love for the first time.

Sometimes, looking into her green eyes I still see that girl on the platform.
Somewhere I read that when we meet someone who will change our lives we realise it immediately. We have a kind of epiphany, like a shot in the night whose noise spreads quickly amidst the silence.
I don't know if this is always a rule, but it certainly was for me.
I heard it. I realised in that instant, sitting on the blue seat of a commuter train, that he was not just any girl among thousands of girls! She was mine!
I was not certain that we would have a future together, that we would see each other again, that day after day we would build each other up. I knew nothing, I had emptiness before my eyes.
But the flame of that knowledge already existed within me and it is perhaps the only certainty that has never left me.

photo source: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/gare-interieure-avec-peu-de-personnes-en-attente-du-train-880929/